(Rappel: les témoignages que nous publions n'engagent que leurs auteurs. Quelle que soit leur affiliation spirituelle ou idéologique, ces derniers parlent en leur nom exclusif. Nous nous engageons simplement à garantir la liberté de parole de chacun)
Pierre X. exerce la fonction de comptable à Monaco. Son témoignage nous éclaire sur le climat des affaires dans la Principauté.
Milkipress : Bonjour Pierre. Pour commencer parlez-nous de votre parcours de formation et dites-nous pourquoi vous avez choisi de devenir comptable ?
Pierre X: Après mon bac ES j'ai choisi de faire des études d'histoire jusqu'en licence tout en exerçant des petits boulots en parallèle. J'ai ainsi effectué des sondages par téléphone, rempli les rayons des supermarchés et même travaillé sur des chantiers. En fait j'ai vite réalisé qu'en dehors de l'enseignement, l'histoire était une filière sans débouchés. Je me suis donc réorienté vers la comptabilité en préparant une formation à distance.
Au départ j'ai surtout travaillé comme intérimaire mais cela m'a permis de multiplier les expériences. En quatre années j'ai ainsi travaillé pour des notaires, des cabinets de comptabilité et bien entendu pour des entreprises.
Milkipress : Très bien. Mais qu'est-ce qui vous a amené à vouloir exercer votre profession à Monaco ?
Pierre X: Jusqu'à présent j'ai surtout travaillé sur Nice mais force est de constater que le climat des affaires à Monaco est beaucoup plus propice que dans les Alpes Maritimes. Cela s'explique d'une part par le fait qu'il y a plus de flexibilité qu'en France quant à l'embauche des travailleurs, et d'autre part que les cotisations sociales et les taux de charges salariales y sont moins élevées. De plus, à poste égal, un cadre employé sur le Rocher touchera un salaire plus élevé de 10 à 15 % par rapport à ce qui se fait en France.
Certes, la sécurité de l'emploi est moins importante qu'en France mais on a quand même plus de facilité à se faire embaucher si on a un profil qui tient la route et que l'on est motivé. De plus, comme j'envisage de tenter ma chance en Amérique du Nord, je trouve que la Principauté de Monaco est une référence prestigieuse sur un CV.
Milkipress : Selon-vous quelles sont les activités fondamentales pour l'économie monégasque ?
Pierre x: En premier lieu, il s'agit des activités liées aux secteurs bancaires, financiers et aux assurances. À Monaco, il y a plus de 400 banques dont une quarantaine ont pignon sur rue comme la banque américaine Goldman Sachs, la Loyds Bank TSB, la Barclays Bank ou encore la KB Luxembourg.
Ensuite, l'immobilier est une activité très importante pour l'économie du Rocher. Les familles Pastor et Marzocco ont bâti de véritables empires grâce à leurs activités dans ce secteur et ce n'est pas pour rien. La principauté n'a qu'une superficie de 2 km² et encore une partie de cet espace a été gagné sur la mer. À cause du manque d'espace disponible, le prix du mètre carré est compris entre 15000 et 35000 € selon les quartiers. Cela contribue à la sélection des personnes et des entreprises qui envisagent de s'installer dans la Principauté.
Monaco attire aussi beaucoup de touristes pas seulement à cause de son côté « glamour » mais aussi grâce à des événements internationaux comme le grand prix de F1, le meeting d'athlétisme Herculis ou le tournois de tennis de Monte Carlo. Bien entendu, le Rocher propose de multiples services haut de gamme destinés aux touristes fortunés. Le casino de Monte Carlo, les hôtels cinq étoiles, les magasins de luxe, tout est fait pour attirer cette clientèle et la satisfaire. Toutefois, le secteur de l'hôtellerie-restaurant vit également du tourisme d'affaire. Chaque année, 25 % des revenus de la Principauté sont assurés par les activités touristiques.
Enfin, même si on en parle peu il existe toujours des activités industrielles à Monaco. L'industrie représente environ 6 % du PIB de la Principauté. Elle regroupe des entreprises spécialisées dans les secteurs cosmétique (Lancaster), pharmaceutique (Forte Pharma, Adam, Dissolvurol...), automobile (Silvatrim), et même l'imprimerie et le cartonnage.
Au final, l'ensemble des activités fondamentales de l'économie monégasque génèrent plus de 11 milliards d'euros de chiffre d'affaire et soutiennent plus de 40 000 emplois. D'ailleurs la principauté de Monaco est certainement un des seuls États au monde où l'on compte plus d'emplois (47 000) que de résidents (36000) !
Milkipress : De votre point de vue la principauté mérite t-elle d'être perçue en France comme un paradis fiscal ?
Selon-moi cette appellation de paradis fiscal est abusive car les Français qui résident à Monaco paient leurs impôts en France ce qui n'est pas le cas de ceux qui sont domiciliés par exemple, en Belgique. De plus, en vertu de la convention douanière du 18 mai 1963 la TVA qui est prélevée à Monaco et ensuite reversée à la France qui rétrocède sa quote-part à la Principauté. Actuellement cette TVA représente la moitié des rentrées fiscales de l’État monégasque soit 500 millions d'euros.
Ensuite, depuis 2009 la principauté de Monaco a fait de nombreuses concessions pour adapter sa législation aux normes fiscales internationales. Une trentaine d'accords bilatéraux ont été ainsi conclu en ce qui concerne les échanges d'informations fiscales. Depuis novembre 2013, ce dispositif a été également complété par un accord multilatéral organisé dans le cadre de l'OCDE.
Enfin, le dynamisme économique de Monaco profite au département des Alpes-Maritimes. Comme je l'ai dit précédemment, il y a plus d'emplois dans la Principauté que de résidents. En conséquence, nombre de ces postes profitent aux Français qui habitent sur la Côte d'Azur. À l'heure actuelle, il y a environ 10 000 personnes de nationalité française qui travaillent à Monaco.
Milkipress : Enfin, si vous deviez un jour monter votre propre affaire le feriez-vous à Monaco ?
Oui parce que je pourrai capitaliser sur l'image positive du Rocher dans le monde des affaires. Selon moi avoir son entreprise domiciliée sur le Rocher lui donne une visibilité qu'elle n'aurait pas forcément si je l'implantais dans les Alpes-Maritimes. Même si le coût d'installation est onéreux il ne fait aucun doute que le retour sur investissement sera profitable.
Propos recueillis par Alexandre Depont pour Milkipress
à lire aussi
CMA CGM, stratégie d'un armateur français au coeur de la mondialisation
Focus sur la compagnie maritime française CMA CGM. Quelle est sa position stratégique dans le contexte de la mondialisation?
Le krach boursier chinois de 2015: quels enseignements?
Quelles sont les leçons à tirer du krach boursier chinois de 2015?
Le marché des drones civils
Le point sur le marché des drones civils. Alexandre Depont
Les enjeux économiques de la réforme territoriale
Enjeux économiques de la réforme territoriale. Analyse d'Alexandre Depont
Vous aimerez aussi
Un dimanche soir à Pompidou
Focus sur le climat hallucinogène de la bibliothèque du Centre Pompidou.
Voyage au Cambodge - entre stigmates et merveilleux
Jérémie, notre voyageur impénitent, s'est rendu au Cambodge. Impressions. Témoignages de Cambodgiens
Chronologie des hommes préhistoriques - Néandertal, Homo Sapiens...
Qui sont nos ancêtres? A l'heure des incroyables progrès génétiques, la recherche a fait de grands progrès sans le domaine de la Préhistoire
La guerre Iran-Irak (1980-1988). Crimes de guerre, chiffres et victimes
Analyse détaillée de la guerre Iran-Irak: armes chimiques, massacres, chiffres et victimes