Intelligence de la foi - L'Essai sur l'immanence de l'amour de Dieu

Les livres de théologie intéressants se font rares. Il est donc important de mentionner ceux qui portent en eux quelque chose de spécial, de différent par rapport à la production habituelle de ces dernières années.

L’essai sur l’immanence de l’amour de Dieu, de Louis Garcia, fait partie de ces exceptions intrigantes. Paru en 2018 aux éditions Docteur angélique, ce petit ouvrage traite de théologie sur un ton humble et accessible, tout en exigeant de son lecteur une attention sérieuse : c’est que monsieur Garcia n’a pas froid au cœur ni à l’esprit, et qu’il offre des développements d’une généreuse profondeur spirituelle, pour peu qu’on le suive sous les sentiers touffus de la doctrine catholique. Qu'est-ce donc que l'immanence de Dieu, et comment se concilie-t-elle à Sa transcendance? Au-delà de ce questionnement pointu, le livre nous enseigne certaines vérités peu connues, au carrefour de la philosophie, de la théologie et de la spiritualité. 

Aborder la complexité des définitions théologiques

Des notions telles que l’être, la Trinité, l’Amour, la kénose, ou encore l’incarnation sont abordées clairement, sans lourdeurs théoriques, pour nous aider à pénétrer l’intelligence de la foi catholique sans sombrer dans des enfers d’érudition vétilleuse. Pour tout dire, peu de nos contemporains s’avèrent capables de passer d’une réflexion sur Thomas d’Aquin à la gnose en passant par les erreurs de la mystique teilhardienne et les prophéties de l’Evangile de Luc sur l’histoire du peuple juif. Vous l’aurez compris, monsieur Garcia fait partie de cette petite minorité d’écrivains.

Sa prose émet un léger parfum doux-amer, chargé de peines et de douleurs qui semblent avoir été surmontées par une vie intérieure très dense. Cette impression de lecture nous est confirmée par les quelques confidences de l’auteur sur son parcours mystique personnel. D’où cette impression d’incarnation inhabituelle pour un écrit de haute science.

Fait rare au sein d’un livre de théologie, des traces d’humour sont présentes : ainsi lorsqu’on apprend qu’il existe une lettre du philosophe Pascal au Père Noël (en réalité le prêtre Etienne Noël, grave penseur du XVIIe siècle)… ou bien cette saillie paradoxale : « Et même dans l’athéisme, nous pouvons y déceler une vérité : Dieu est inconnaissable ! »

Enseignements atypiques

D’autres enseignements intéressants parsèment l’ouvrage, sans qu’il soit nécessaire à l’auteur de nous infliger une mise en scène scolastique scrupuleuse de ses démonstrations : ce sont de petites bulles de savoir théologique qui montent vers nous sans violence, en toute quiétude :

« La souffrance est souvent nécessaire pour acquérir l’humilité »

« Le plus souvent, nous péchons par imagination. Notre imagination fabrique des illusions, elle change les objets en choses imaginaires et les prive ainsi de leur réalité » (c’est ainsi l’opération psychique qui se produit généralement chez l’assassin, qui virtualise sa victime)

« Le refus du réel est le dogme principal de notre temps » (réflexion qui dépasse le champ théologique et mord sur le terrain sociétal de façon assumée)

« La raison peut dire que Dieu EST, mais pas ce qu’il est » (ce qui confond les efforts récents des adversaires des « preuves de Dieu » pour décrédibiliser ces dernières, en prétextant que des preuves impliqueraient un savoir sur Dieu, alors qu’on ne possède pas Dieu)

Monsieur Garcia pousse l’attention jusqu’à extraire des tréfonds médiévaux des sentences oubliées ou inconnues : ainsi cette saillie de Guillaume de Saint Thierry sur les plaisirs…

Nous apprenons par ailleurs qu’il existerait 137 stigmatisés pour le seul XXe siècle, et que ces personnes, ont reçu imprimé dans leur chair les diverses blessures corporelles du Christ.

Certains pourront blâmer l’auteur d’avoir osé prolonger sa réflexion théologique sur des thèmes beaucoup plus politiques et "actuels" comme l’immigration ou l’islam. Or, on remarque vite que ces thématiques ne sont pas absolument disjointes de la question spirituelle, au sens où les discours de référence actuels s’imposent sur un ton religieux. On remarquera sur ce point que l’auteur livre davantage ses inquiétudes, et qu’il refuse d’en rester à des observations bien sages.

Le rapprochement des discours instrumentalisés sur les droits de l’homme avec les gnoses antiques est particulièrement intéressant. L’auteur y dévoile une part de la mécanique souterraine qui agit sur les consciences, sans que l’on soit obligés de le suivre jusqu’au bout de tous ses raisonnements.

Ne dévoilons pas trop au futur lecteur ce qu’il découvrira encore entre ces pages… J’en finirai en conseillant à tous de faire l’achat de ce petit livre, qui permet d’entrer sereinement dans l’intelligence de la foi (matière ô combien intimidante à l’ordinaire).

Référence :

Louis Garcia, Essai sur l’immanence de l’amour de Dieu, Docteur angélique, 2018.