En France, la culture théologique de la plupart des adultes éduqués s’avère très faible. Les savoirs qu’elle mobilise et recombine pourraient offrir de vastes lumières et compléter avantageusement les bases que l’on exige pour une culture honnête.
Dans les faits, la théologie est soigneusement séparée des cursus d’apprentissage communs. Il en résulte une profonde méconnaissance des savoirs qu’elle offre et, ce qui est plus grave encore, un véritable mépris teinté de crainte vis-à-vis de ceux qui s’y risquent (prêtres, séminaristes, métaphysiciens). Les philosophes eux-mêmes n’ont à l’ordinaire aucune culture théologique, estimant qu’il s’agit là de ramassis de fadaises (on imagine l’état de la philosophie de Descartes ou de Rousseau sans connaissances théologiques !).
La vérité, c’est qu’une initiation aux raisonnements de la théologie - notamment la scolastique et son utilisation passionnante de la logique – permet d’accroître vertigineusement les aptitudes intellectuelles des apprentis de la pensée. Il n’est pas là question de croire ou non en Dieu, mais de profiter d’une somme d’outils intellectuels très performants pour phosphorer sur le réel.
Il est aisé de vérifier tout cela, au travers d’un petit exercice : il suffit de feuilleter quelques manuels d’apologétique, où d’obscurs prêtres investissent la logique pour justifier l’existence de Dieu et la vérité du christianisme. Beaucoup de ces œuvres sont déficientes, certes, mais de passionnants raisonnements s’y trouvent accumulés.
“La théologie élargit le domaine de la connaissance ; il y a harmonie entre ce qui est éternel dans le christianisme et ce qui est éternel dans la raison” (Mgr Douais, L’apologétique, 1911)
Parmi les apologistes qu’il est possible de fréquenter avec fruit, citons Chateaubriand et son “Génie du christianisme”. Il s’agit d’une somme d’arguments inégaux mais souvent passionnants en faveur du catholicisme. On y trouve par exemple une charge drôlissime sur l’athéisme et l’impensé qu’il charrie :
« La religion ne se sert que de preuves générales ; elle ne juge que sur l’ordonnance des cieux, sur les lois de l’univers ; elle ne voit que les grâces de la nature, les instincts charmants des animaux, et leurs convenances avec l’homme. L’athéisme ne vous apporte que de honteuses exceptions ; il n’aperçoit que des désordres, des marais, des volcans, des bêtes nuisibles ; et comme s’il cherchait à se cacher dans la boue, il interroge les reptiles et les insectes, pour lui fournir des preuves contre Dieu. La religion ne parle que de la grandeur et de la beauté de l’homme. L’athéisme a toujours la lèpre et la peste à vous offrir» (Chateaubriand, Génie du christianisme)
D’autres apologistes s’avèrent plus conséquents cependant: je pense au père Gratry, lorsqu’il justifie par exemple comment il est possible, y compris sur un plan rationnel, que Jésus puisse être à la fois Dieu et homme. Qu’on y adhère ou non, le raisonnement mérite lecture. Dans la même ligne, le père Joseph de Tonquédec s’est autrefois employé à justifier la possibilité des miracles en ce monde sans recourir à l’argument d’autorité : en usant simplement de la raison, il arrive à des développements qui ont fait basculer plus d’un sceptique en son for-intérieur. Il répertorie trois niveaux de merveilleux, classe les miracles rigoureusement selon leurs types de manifestations, il mesure la probabilité des phénomènes... l’ampleur de l’intelligence qui se déploie ici est colossale. De plus, sa langue est impeccable et ses piques ont de quoi ravir tout un chacun:
“Combien de raisonneurs impeccables n’ont pas d’yeux pour voir un fait!” (Joseph de Tonquédec, Introduction à l’étude du merveilleux, 1916)
“L’interdépendance des phénomènes n’est pas si étroite et si fixe qu’elle puisse boucher définitivement aux influences étrangères toutes les entrées du donné” (Joseph de Tonquédec, Introduction à l’étude du merveilleux, 1916)
Le maître incontesté en matière de raisonnement théologique est naturellement Thomas d’Aquin. Au travers de sa Somme théologique (écrite en plein Moyen Âge), il argumente en faveur de la Trinité, de la divinité de Jésus, de la réalité des miracles, de la transsubstantiation... tout cela en utilisant comme méthode intellectuelle la logique d’Aristote (lui-même païen, ce qui est un gage d’honnêteté intellectuelle). Par ailleurs, il propose une méthode de réfutation des arguments adverses très précise, que l’on pourrait acquérir avec grand profit.
Parcourez ces ouvrages, picorez à l’intérieur. Nul besoin de les lire de la première à la dernière page. Vous en tirerez, que vous soyez croyant ou non, d’innombrables trésors d’intelligence, qui vous aideront à mieux raisonner au quotidien.
Pierre-André Bizien
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