La philosophie de Maurice Blondel expliquée. Dieu, l'action, la religion, le chrétien

 

Prouver la perpétuité de Dieu par la perpétuité de son attente, être Dieu par Lui ou contre Lui, réhabiliter le spirituel sans travestir la philosophie… le philosophe Maurice Blondel nous invite à repenser tout notre rapport à la raison. 

 

Philosophe catholique de lecture difficile, Maurice Blondel (1861-1949) fut un apôtre de la réhabilitation du spirituel au sein de la philosophie, tâche ô combien périlleuse. Plus largement, il fut l’artisan d’une apologétique chrétienne exigeante, qui ne passait pas par le chemin traditionnel qu’avait balisé l’Eglise. Sa carrière universitaire fut freinée par le climat anticlérical qui régnait entre la fin du XIXe et le commencement du XXe siècle.

 


Maurice Blondel, philosophe de l'action

 


Le jeune Maurice Blondel fut disciple de Léon Ollé-Laprune (référence intellectuelle chrétienne largement oubliée de nos jours), puis il prit hardiment son indépendance philosophique lorsqu’il soutint sa thèse « L’action », en 1893. Les grandes lignes de sa pensée prolongent le trait de ce travail fondateur, qui fit grand remous lors de sa publication.


En effet, le combat de Maurice Blondel est périlleux : porter le fer spirituel au plus profond de la discipline philosophique, réveiller l’intelligence française quant à la question de la foi… au risque d’être taxé de modernisme par les milieux catholiques, et d’obscurantisme par les sphères laïques universitaires de l’époque. A ce titre, le jeune philosophe ne se fait aucune illusion :


« Au risque d’être attaqué de part et d’autre, j’ai souhaité remédier, pour ma part, à cette mutilation volontaire de la pensée française » (Lettre du 20 octobre 1893)


Si en Angleterre ou en Allemagne le fait de philosopher sur Dieu dans une perspective croyante ne pose a priori pas de problème dans les milieux académiques, il en va tout autrement au pays de Voltaire, marqué par une phobie structurelle envers le catholicisme. Sachant bien cela, Maurice Blondel développe une philosophie qui prend en compte les exigences sourcilleuses de la raison sur la question spirituelle (d’après sondage, il n’y aurait plus que 4% de Français catholiques pratiquants en 2015).


René Virgoulay précise opportunément :


« Blondel ne veut pas édifier une philosophie religieuse, si l’on entend par là une philosophie dont l’inspiration ne serait pas critiquée. Certes ses convictions personnelles sont celles d’un croyant, son intention est apologétique, mais dans sa philosophie, dans la démarche de l'Action, il ne part pas du présupposé du surnaturel, il part du présupposé contraire » (Petit dictionnaire des philosophes de la religion, 1996)

 

 

La philosophie nécessite une certaine tenue

 

 

Maurice Blondel, qui était né à Dijon, exerça la majeure partie de sa carrière en terre méridionale, à Aix-en-Provence. Discret, mesuré, courtois jusqu’à l’affectation, il saura endurer les outrances polémiques de ses adversaires en gentleman. Aussi, il critiquera les catholiques tentés par l’Action Française de Charles Maurras, correspondra avec le père Laberthonnière maudit par l’Eglise, et lèvera certaines équivoques sur la conception usuelle du "rationnel" :


"Ni l'expérience ne peut fournir le pur abstrait, ni le calcul, le vrai concret" (L’action)


Le grand malentendu quant au rapport de la raison et de Dieu ne signifie pas incompatibilité, ni opposition. Les dégâts adviennent lorsque l’on tente de forcer la raison pour approcher Dieu ou, au contraire, lorsqu’on la réduit afin de Le garder à bonne distance.


"Dieu ne répond pas aux sommations de la curiosité, de la logique, du sens commun, de la vulgarité morale. Son signe toujours à la fois éclatant et mystérieux, discret et pressant, s’adresse aux âmes en travail" (Carnets intimes, II)


Le travail philosophique respectable induit une certaine distinction intellectuelle, étrangère aux instincts éradicateurs de la passion sanguine. Accepter de prendre en compte les objections sans les contourner, légitimer le spirituel et la foi dans le cadre d’une raison apaisée, moins ombrageuse, voici tout le programme :


« Il ne faut pas réfuter et détruire, mais remonter aux sources, convertir et compléter» (Lettre à Laberthonnière, 11 octobre 1907)


Jusqu’à la fin, Maurice Blondel sera poursuivi par ses adversaires. Si l’on imagine naïvement que son discours a plu aux instances religieuses, il faut largement en rabattre. Le milieu traditionnel néo-thomiste, encore dominateur avant Vatican II, ne lui pardonna pas ses hardiesses. Au soir de sa vie, il recevra une lettre de l’impayable père Garrigou-Lagrange, le pressant gentiment de renier ses écrits… afin que Dieu réduise son séjour inévitable au purgatoire!


Au bouillonnant prélat, Maurice Blondel avait préventivement répondu par une saillie fulgurante :


"Faire son examen de conscience, de subconscience et d'inconscience" (Maurice Blondel, Carnets intimes, 1901)

 

 

Citations de Maurice Blondel

 

 

"Avant de convertir les mécréants il faut convertir les convertisseurs" (Lettre à Laberthonnière, 20 septembre 1907)


"Il ne s'agit pas de moderniser le christianisme, mais de christianiser ce qui est moderne" (Carnets intimes)


"La perpétuité de l’Attente prouve la perpétuité de l’objet attendu" (Carnets intimes, II)


"L’homme aspire à faire le dieu : être dieu sans Dieu et contre Dieu, être dieu par Dieu et avec Dieu, c’est le dilemme" (Maurice Blondel, L’action, 1893)


"C’est à travers des passions humaines, en contrecarrant de nobles esprits, par des procédés subalternes que l’œuvre divine s’est incarnée, dans la misère et la bassesse. Rien, presque, ne s’est fait proprement, intelligemment ; et il se trouve que le Christ est là pourtant" (Lettre à Laberthonnière, 6 octobre 1907)


"Ni l'expérience ne peut fournir le pur abstrait, ni le calcul, le vrai concret" (citation de Maurice Blondel, L'action)

 

Pierre-André Bizien

 

 


 

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