« Le passé a le droit de vote, mais pas le droit de veto » (Rabbin Mordecai Kaplan)
Cette petite phrase toute simple permet de dépasser l’éternel clivage entre tradition et progressisme, les Anciens et les Modernes.
« La science explique ce qui fonctionne et non ce qui est » (Albert Camus, Carnets, 1942)
Issue d’un grand esprit athée, cette affirmation subtile rappelle aux non-croyants que la science n’explique pas tout, qu’elle n’épuise pas toute l’étendue du réel. Dès lors, il est illusoire de professer la science comme un catéchisme qui permettrait d’écarter les grandes questions métaphysiques, et Dieu.
« Pessimiste quant à la condition humaine, je suis optimiste quant à l’homme » (Albert Camus, Carnets, 1945)
Cette déclaration permet de dépasser le dilemme éternel : l’homme est-il bon ou mauvais par nature ? Ainsi, ce qui relève de l’espèce humaine en général, de sa tendance générale, ne prévaut pas forcément pour l’homme particulier, pris individuellement comme personne. Toi, moi, nous tous individuellement, nous pouvons être cette petite chose qui fait la différence à l’heure où tout semblait plié… L’homme est plus grand même que son destin !
« L’idéal n’est autre chose que le point culminant de la logique » (Victor Hugo, Les Misérables)
Victor Hugo est un peu notre génie national, car ses analyses très fines de l’univers social dépassaient de loin les capacités de nos sociologues actuels. Bien que romancier et poète, il parvenait à percer le réel avec davantage de résultat que nos universitaires, car il ne mathématisait pas la réalité. Cette dernière est foncièrement ductile, foisonnante, et son mystère excède toujours nos petites tentatives d’encapsulement. La phrase ci-dessus illustre cette vérité profonde, paradoxale : la logique réduite à la mathématisation du réel manque le souffle profond de la vie, qui est plein de promesses.
« L’objectivité, parfois, est une complaisance » (Albert Camus, Carnets, 1949)
Ici, Camus secoue nos habitudes de pensée occidentales : nous induisons toujours, dans les débats intellectuels, que l’objectivité est supérieure à la subjectivité. Cela est faux : la subjectivité fait certes encourir un risque supérieur de se tromper, mais lorsqu’elle coïncide avec le vrai, elle dépasse de loin ce que nous offre l’objectivité… une distance pas toujours très courageuse, et parfois revendiquée par intérêt subjectif !
« L’Homme vit d’affirmation plus encore que de pain » (Victor Hugo, Les Misérables)
Réduire une politique au social est une erreur. L’être humain a des besoins plus vastes que ce que sa biologie lui impose. La culture est une grammaire de l’affirmation qui nous permet de nous y retrouver à peu près lorsque l’on pense sur tel ou tel sujet. Il faut pourtant veiller à ne pas être dupes de nos conditionnements : nos passions sont généralement héritées, attrapées, rarement des conquêtes.
« Je ne crois pas à une hiérarchie entre les civilisations, mais je préfère la mienne » (Denis Tillinac, Le Figaro, 09/03/2014)
Ici, l’intellectuel nous offre une manière plaisante mais facile de sortir du débat perpétuel : toutes les civilisations et cultures se valent-elles ?
« La querelle entre intégration et assimilation est le type même du faux débat. L’assimilation est le terme du processus. On ne peut pas en faire une politique » (Marcel Gauchet, Le Point, 10 mars 2016)
Marcel Gauchet nous offre ici une manière de résoudre le dilemme récurrent : intégration ou assiilation ?
« La révolution est la vacance du déterminisme au profit de l’Idée » (Jacques Julliard, La faute aux élites)
Jacques Julliard est un intellectuel qui nous offre ici une condensation très nette de la notion de révolution. A vous de savourer !
« Le sens vient de l’avenir et non du passé » (Bertrand Vergely, Petit précis de philosophie)
Le philosophe Bertrand Vergely prend ici à contre-pied la fameuse tarte à la crème : "Il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va". Non que cette réplique usée jusqu’à la corde soit fausse, mais il serait peut-être utile de considérer l’autre versant de la donne…
« C’est par là que commence la liberté : c’est reconnaître qu’on ne savait pas » (Monique Castillo, (Conférence, 20 novembre 2012)
La philosophe Monique Castillo nous ouvre à une vérité paradoxale : reconnaître devant témoin que je ne sais pas, que j’ai eu tort, suspendre ma volonté de remporter la polémique, c’est agir enfin au profit de la vérité et non pour son ego. Acte très difficile, vertu supérieure, car ingrate : je passe souvent pour un con, mais j’ai brisé les chaînes de mon déterminisme. Voici le plus précieux.
Pierre-André Bizien
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