Alors que la coalition internationale formée autour des États-Unis mène des actions militaires contre l'État islamique en Irak et en Syrie, les « hacktivistes » du réseau Anonymous agissent également à leur manière contre les djihadistes. Connus depuis 2008 pour leurs coups d'éclats menés contre la surveillance d'internet, les abus des Etats, de la finance et des transnationales, les Anonymous s'organisent depuis plusieurs semaines pour contrer la propagande de l’EIIL. Face à l'ampleur du « cyber-djihad » menée par les membres et les sympathisants de l’État islamique, Anonymous a annoncé le déclenchement de l'opération Ice ISIS.
D'après l'interview exclusive donné par un membre du collectif à la chaîne de télévision France24, cette opération a pour but de « protéger ceux qui sont sans défense en ligne comme dans le monde réel et empêcher les djihadistes de diffuser leur propagande sur le web ». Les activistes ont donc décidé de combattre l’État islamique en attaquant son « idéologie avec objectivité et de façon logique » sur les réseaux sociaux.
Le 21 juin 2014, le réseau Anonymous avait déjà posté une vidéo sur le canal Youtube « TheAnonMessage » dans laquelle il dénonçait les crimes de l’État islamique. Dans ce communiqué, les hackers annonçaient également des représailles à l'encontre du Qatar, de l'Arabie Saoudite et de la Turquie, coupables à leurs yeux de soutenir l'EIIL.
Pour mener cette guerre de l'information, Anonymous utilise tous les ressorts de l'art de la communication sur internet. Afin d'officialiser leur cyberguerre contre l’État islamique, les « Anon » ont créé le hashtag #OpIceIsis qui leur permet de toucher le plus grand nombre de personnes sur Twitter et Facebook. Par le biais des réseaux sociaux, Anonymous, diffuse ainsi des appels à la tolérance et dénonce les contradictions des actes des combattants de l'EILL avec les principes de l'Islam.
Cependant, certains hackers d'Anonymous peuvent avoir recours à des moyens plus offensifs pour empêcher la diffusion de la propagande islamiste sur le web. En 2012, des membres tunisiens du collectif avaient ainsi piratés les pages Facebook d'organisations salafistes et révélés des données confidentielles appartenant au parti politique Ennahda. En revanche, les Anon ont nié leur implication dans le récent piratage du site web du Conseil central islamique de Suisse et dans le chantage exercé à l'encontre de cette organisation.
Pourtant l 'éventualité du déclenchement de cyber-attaques à l'encontre des réseaux d'informations djihadistes posent néanmoins la question de leur résilience. En effet, la dispersion de la nébuleuse islamiste en de multiples entités atténuerait l'impact de telles actions en comparaison de celles qui ont été organisées contre des États ou des transnationales. De plus, les djihadistes ne sont pas seulement d'excellents communicants mais maîtrisent les arcanes du « darknet ». Ils utilisent donc les même méthodes que d'autres organisations criminelles pour crypter leurs communications et occulter certaines de leurs activités.
Du point de vue d'Anonymous, la guerre de l'information livrée à l'EIIL constitue une nouveauté en raison du profil asymétrique de leur adversaire. Ce fait rend l'issue de cet affrontement d'autant plus incertain que les mass media, à la recherche d'informations sensationnelles, font le jeu de la propagande djihadiste. La surmédiatisation du siège de Kobané en constitue la parfaite illustration car d'un point de vue stratégique, cette ville n'a qu'une faible valeur militaire dans une région déjà contrôlée par l’État islamique. Toutefois, ce siège permet à l'EIIL de se livrer à une véritable démonstration de force relayée par l'ensemble des chaînes de télévisions du monde.
Si d'ordinaire Anonymous maîtrise avec brio l'art de la mise en scène, l'Opération Ice ISIS ne bénéficie pas de la même résonance médiatique que les atrocités commises par les djihadistes. Dans ces conditions le rapport de force entre les deux entités dans « l 'infosphère » penche pour le moment en faveur des islamistes.
Toutefois, l'attention des médias se recentrerait sur les actions des hacktivistes si ceux-ci décidaient « d'effacer numériquement » les États qui soutiennent l'EIIL. Enfin, la force d'Anomymous ne réside-t-elle pas plutôt dans la mise en œuvre d'actions clandestines ? En 2012, les Anon avaient ainsi contribué au démantèlement de réseaux pédophiles qui profitaient des méandres du darknet. Derrière la façade visible de l'opération Ice ISIS, il n'est pas impossible qu'un tel scénario se reproduise pour les cellules de propagande djihadiste situées en Occident.
Alexandre Depont.
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