Je débarque au Vietnam en pleine saison des pluies. A cette période les grosses averses sévissent principalement la nuit… et heureusement pour moi d’ailleurs ! C’est un grand saut dans l’inconnu, sans carte ni boussole, mais j’ai la volonté farouche de me frotter à ce peuple fier. Me voilà déjà plongé en plein cœur de la marmite viet’, sans masque à oxygène. La lente et douloureuse immersion commence…
Ma première étape est Saigon, ou plutôt : Ho Chi Minh-ville, son nouveau nom depuis 1976. C’est la ville du boss. Mélange subtil d’un De Gaulle indestructible et d’un Vercingétorix moderne, l’artisan de l’unification nationale est encore aujourd’hui un demi-dieu omniprésent. Aussi bien dans les esprits qu’à travers les monuments, et les affiches de propagande. L’ancien leader communiste incarne à lui seul la grandeur d’âme du pays et le patriotisme vietnamien transcendant. J’ai envie d’en savoir plus.
Saigon, la bouillonnante
D’entrée de jeu le choc est grand. Ici, la circulation de la cité vous écrase comme un vulgaire insecte. L’anarchie routière, monopolisée par les deux roues, est la norme dans cette jungle urbaine. Le flow incessant de scooters, de vélos, et de motos vous tourne rapidement la tête. Cela ressemble étrangement à un gigantesque marathon de ferrailles permanent. Imaginez le rond-point de la place de l’Etoile, mais étendue à toute la ville, déconcertant.
Au détour d’une petite rue je m’engouffre sans le savoir dans un immense marché. Un labyrinthe de petites ruelles bondées, dont les odeurs vous dégomment les nasaux. Mangue, banane, pousses de soja, mangoustan, chou, légumes verts, et plus déroutant… du chien. Troublé, je m’empresse de questionner la vendeuse, mais la barrière de la langue s’avère infranchissable. J’ai tout de même droit en échange à un petit sourire amusé. Subitement, un groupe de jeunes m’interpellent en anglais et je suis sauvé.
Phong, un étudiant de 22 ans, m’explique leurs mœurs alimentaires :
Le chien est un mets commun ici. Et le chat, bien qu’interdit à la consommation par les autorités, se retrouve régulièrement au menu des restaurants. »
Apres cet ultime affront culturel, je cours vers la sortie. La cohue rend la progression difficile. Pourtant, j’arrive enfin à m’extirper de cette foule effrayante, amatrice d’animaux domestiques !
Puis, je me laisse tenter par une balade singulière en pousse-pousse. Tout de suite, je suis fasciné par l’ambiance très animée qui y règne. D’autre part, le style architectural est incroyablement varié : moderne, traditionnel, et colonial. De vieilles pagodes survivent à l’éclosion massive de bâtiments contemporains, souvent fades et totalement dénués d’âmes. Quant à eux, les monuments datant de l’époque coloniale française sont légions. On peut citer en autres : l’Hôtel de ville, la Poste Centrale, et la cathédrale Notre-Dame. Toutefois, cette dernière, dont la façade est constituée de briques rouges, ne rappelle en rien les traits majestueux de sa consœur et homonyme parisienne.
Apres cette déroutante escapade citadine je décide de partir à la découverte de l’un des plus grands fleuves d’Asie…
Mékong, une initiation au voyage
Me voici sur les rives du Mékong, à 50 kilomètres de Saigon. Au point de départ de l’expédition, une barque à rame m’attend avec le strict nécessaire. Mon guide, un petit homme maigre au visage impassible, est vêtu sobrement. Il porte le chapeau traditionnel vietnamien conique. Nous sommes en plein dans le delta. A cet endroit, langues de terre, péninsules, et presqu’iles regorgent de cocotiers, et de palmiers. Par ailleurs, cette zone abrite aussi de nombreuses rizières, ou s’y concentre près de la moitié de la production nationale.
D’autre part, le spectacle est saisissant. On voit se dessiner en filigrane une véritable petite ville sur l’eau. Marchés flottants, maisons sur pilotis, huttes en bambou, barques de pécheurs, péniches, sampans… il ne manquerait plus qu’une station de métro !
Plus tard, en s’éloignant de l’activité humaine, le silence semble reprendre le dessus. Il envahi soudainement l’embarcation. L’instant est propice à la méditation, mais un oiseau vient troubler cette fragile tranquillité. Toutefois, le titanesque Mékong, surnommé « la mère de tous les fleuves », reste un havre de paix.
En outre, malgré plusieurs jours à scruter les eaux, je n’aperçois pas l’un des plus gros poissons d’eau douce au monde qui y vit : le poisson-chat géant du Mékong. Il peut atteindre trois mètres de long… et peser jusqu’à 300 kg.
L’aventure bucolique terminée, je décide me rendre dans le Nord du pays, en pleine région montagneuse… Jérémie, ami des enfants
A la rencontre du peuple Hmong
Si les tribus Viêts dominent l’ensemble du pays, on trouve néanmoins encore quelques minorités ethniques, principalement dans les zones montagneuses reculées du Nord. A l’image du petit village gaulois d’Astérix et Obélix, ces ethnies luttent pour leur survie. Pour la pérennisation de leurs traditions et de leur culture. Parmi elles, un peuple particulièrement atypique attire mon attention, et me donne envie d’aller à sa rencontre : les Hmongs.
Un peuple de montagnards nomades, dont la population est estimée à moins de 10 millions d’individus. L’écrasante majorité d’entre eux vit en Chine, et l’autre partie réside au Laos et au Vietnam.
Depuis la capitale Hanoi, je prends un train de nuit pour Sapa, petite ville située à l’ extrême nord du pays, qui jouxte la frontière chinoise. C’est ici que j’aurais mon dernier contact avec la modernité. Avant de partir en expédition et de m’enfoncer dans ces zones isolées.
Bien que je sois dans un groupe avec d’autres touristes, l’authenticité de l’excursion n’en semble pas pour autant affectée. Nous partons à la découverte de la région et des habitants à pied. Accompagnés par quelques Hmongs, éclaireurs aguerris. Apres quelques heures de marche nous voici devant des rizières à flanc de montagnes, et à l’approche d’un village traditionnel.
A cette occasion, Cao Quang, l’un de nos guides, en profite pour nous parler des valeurs ancestrales de son peuple :
L’honnêteté, la solidarité, et l’amour de la paix sont les fondements de notre culture (…) Notre ardeur au travail doit être extrême ».
De tous les habits que j’ai vus au Vietnam, je décerne la palme des plus colorés à ceux portés par les Hmongs. Par ailleurs, les femmes, qui s’ornent de grands colliers, bracelets, et boucles d’oreilles, sont d’une élégance rare. Elles n’ont rien à envier aux parisiennes chic !
D’autre part, il est important de souligner que le peuple Hmong souffre parfois d’ostracisme et craint même jusqu’à sa vie. Comme c’est le cas pour certains d’entre eux au Laos. Jugés coupables d’avoir collaborés activement avec les français, puis avec les américains lors des dernières guerres. Ils sont toujours pourchassés comme du gibier, et se cachent désespérément dans la jungle, changeant continuellement de bivouacs, et ce depuis près de 40 ans.
Néanmoins, certains de ces harkis asiatiques ont pu être récupérés par la France au milieu des années 1970, et envoyés en Guyane, à l’abri de toute répression.
A cette époque, le Vietnam s’appelait l’Indochine…
Dien Bien Phu, la dernière bataille
L’Indochine française comprend à la fin du XIXème siècle les territoires actuels du Vietnam, du Cambodge, et du Laos.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France doit faire face à de nombreux mouvements indépendantistes à l’intérieur de son immense empire colonial. Parmi eux, le Viet Minh, une organisation politique et paramilitaire vietnamienne. Celle-ci, dont le foyer d’insurrection se concentre principalement sur le sol vietnamien, déclenche une insurrection armée contre l’occupant français.
Le conflit s’enlise pendant près de 8 ans. Mais une bataille va définitivement faire pencher la balance en faveur des insurgés : Dien Bien Phu (13 mars - 7 mai 1954).
Un camp retranché est établi près du Laos, pour fixer le Viet Minh, et lui barrer la route de Luang Prabang (l’ancienne capitale royale laotienne). Dien Bien Phu sort de terre. Mais le site est une cuvette entouré de montagnes boisées, et l’ennemi va pouvoir y concentrer, à couvert, plusieurs dizaines de milliers d’hommes. De plus, il réalise l’exploit d’y acheminer, à travers des centaines de kilomètres de jungle, les pièces d’artillerie qui viendront annihiler tout espoir de victoire française.
Rappelons que la guerre d’Indochine s’étend de 1946 à 1954, et fait quelques 600 000 morts.
Jérémie Dardy.
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