Antiracisme: le parricide au quotidien

 

Les Français ont cette particularité de redouter le bruit des bottes tout en en graissant le cuir. Honnis plus que partout ailleurs, racisme et intolérance progressent pourtant de façon exponentielle dans le pays. Pourquoi ce paradoxe ?


Tout simplement parce que le combat antiraciste s’est perdu dans le clientélisme de groupes et la scénarisation de l’Histoire. Résultat, des syndicats de mémoires et de défense concurrentiels se sont fait jour, les victimes des uns devenant les bourreaux des autres.

Récemment, le MRAP et la Licra se sont justement retournés contre cet égarement collectif. La foire aux narcissismes idéologiques s’est progressivement substituée à la juste lutte universelle contre le racisme, d’où qu’il vienne et qui que soient ceux qu’il touche.

 

L'antiracisme est moribond. Les passions identitaires l'ont progressivement submergé. L'extrême droite, qui est diverse et multi-raciale, est en passe de le remplacer. Comment a-t-on pu en arriver là?

 

La haine fait feu de tout bois


Depuis des années, coupables d’un ethnocentrisme vertigineux et croyant bien faire, nous avons réduit l’altérité à l’aune exclusive du regard blanc, chrétien, caucasien. En toute bonne conscience, nous avons grossièrement assimilé l’Autre au noir, au musulman, à l’immigré, en plaçant systématiquement la focale sous l’œil du Français de souche… Et tout le monde a marché.

 

Emportés par l’élan de notre zèle et par la sincérité de nos sentiments généreux, nous avons dédaigné la plus élémentaire des vérités : pour l’Autre, l’Autre c’est moi. Cette évidence primaire, qui aurait dû être intégrée par tout un chacun, n’a jamais inspiré le moindre discours de l’antiracisme officiel ; la réciprocité du regard, condition première du respect égalitaire, n’a jamais été prêchée, ni même enseignée.

 

Ce que l’on a fait fut bien différent : en gros comme en détail, on s’est permis de configurer les consciences dès l’enfance, produisant deux types de discours pour deux types de public. Aux uns, on a prêché la culpabilité culturelle, l’horreur du passé religieux et l’interdiction du repli identitaire ; aux autres, on a vanté le culte des racines, la fierté identitaire, celle des traditions, de la religion, de la couleur. Inutile de s’étonner, vingt ans plus tard, que les Français ne fassent pas cœur commun.

 

Naïvement, nous avons construit une société de pénitents face à des implorants. Alors que nous sommes tous frères, nous avons marxifié les races en accusant l’une d’oppresser toutes les autres, de réduire unilatéralement en esclavage toutes les autres, de les dominer toutes par la banque, l’avidité et la cupidité. Spectaculairement, l’homme blanc a transposé les clichés anti-juifs contre lui-même ; il s’est fait le méta-sémite de l’histoire, coupable d’avoir perverti par l’argent les sociétés qu’il a investies, pourrissant tout par sa mainmise sur les richesses locales. Désastre éthique sans précédent, à peine exagéré.


Résultat : la France érigée en anti-modèle au sein même de ses frontières (on va fêter la défaite de Trafalgar et on refuse de célébrer la victoire d’Austerlitz…), et l’explosion concomitante des passions micro-identitaires spécifiques. Fierté d’être noir, fierté d’être blanc… qu’est-ce que cela veut dire à l’heure actuelle, sinon que la race serait une valeur ?

 

Naïveté originelle


En confinant, pendant des années, le racisme ontologique à celui de l’homme blanc (l’expression «racisme inversé» avoue tout d’elle-même), on s’est permis de minimiser son amplitude réelle, multipolaire, alors même qu’on ne cessait d’en invoquer le spectre.

 

Dérive habituelle des grandes idées abstraites : on a voulu personnifier le mal. Bêtement, on a reproduit la gangrène raciste en la réalisant symétriquement : il a fallu animaliser l’adversaire, le sortir du champ de l’humain, en faire un monstre à éradiquer totalement. L’historien de gauche Pierre Vidal-Naquet nous prévenait pourtant il y a 30 ans (Le Monde, 15 avril 1981): haïr symétriquement celui qui hait en oubliant son humanité, c'est reproduire son crime, le perpétuer.

 

Pour le commun des mandarins médiatiques, en effet, impossible de valoriser une culture sans diaboliser l’autre : certains dressent l’apologie du christianisme en conspuant l’islam, féroce et agressif ; d’autres, inversement, valorisent le tiers-monde et l’Afrique en réduisant l’Occident au paradigme de l’oppresseur maléfique. C’est dire à quel degré de cécité nos certitudes ont pu nous conduire. Attitudes aussi racialistes et culturalistes les unes que les autres.

 


S’il est un seul avantage qu’offre l’arriération, c’est bien celui du recul ; avec le temps, il nous paraît désormais évident que l’invention du pire des face à face imaginaires – celui  d’une France moisie contre une altérité mythifiée – a entretenu, consolidé et exacerbé les clivages raciaux dont on prétendait bruyamment se délivrer. La haine raciale, religieuse et culturelle est désormais bel et bien incrustée dans le pays. Gentiment, les masses ont absorbé la gélule et sont allées se coucher.
Aujourd’hui, le réveil est terrible. L’extrême droite politique ne cesse plus de monter. Alors on panique, et on s’interdit de penser : en assimilant l’amour de la patrie  aux aigreurs de l’entre soi, en amalgamant l’honneur d’être français à la fétide fierté d’être blanc, on a réduit de Gaulle à Pétain.

 

Comble des combles. Rappelons que Jaurès lui-même parlait de « France éternelle », expression réputée fascisante désormais. Dans notre monde actuel, le père du socialisme français serait rangé dans le camp des réactionnaires. Imperceptiblement, la juste vigilance antiraciste s’est transformée en défiance obsessionnelle.


Persuadés de bien faire, on a instauré un climat de soupçon hystérique qui s’est rapidement délité et a fini par éclabousser ceux-là mêmes qui l’ont établi. On a benoîtement sombré dans un emballement similaire à celui de la machine révolutionnaire, qui aboutit à l’exécution des premiers révolutionnaires eux-mêmes (Saint Just, Robespierre…) ; désormais, des personnalités de gauche sont occasionnellement accusées de racisme (Léon Blum, Florent Pagny, Mélenchon…).  Hors de contrôle, les hélices dentelées de l’antiracisme tranchent tout désormais.

 

(Chers amis, je vous invite à réagir en bas de la page dans la rubrique "commentaires")

 

Pierre-André Bizien
 

 


 

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