L’Oxydant. L’Oxydant et ses peuples. La civilisation d’abondance, ses citoyens abrutifiés. Fresque tuméfiée de notre moi collectif, luisant de graisse et de foutre. Misérable époque. Risquons un regard sur notre temps putride, par-delà le paravent propagandiste du système. Dégrisons-nous.
De l’hypermatérialisme à l’hyperdémocratisme : au festin des cocus
Derrière les effluves sucrées de la dialectique humaniste s’étend tout un univers, consciencieusement refoulé, maintenu à l’écart. Nul espoir d’en percevoir quelque parcelle, du moins tant que le biberon médiatique comblera nos esprits. Un gigantesque mensonge métaphysique s’est encastré dans l'être des sociétés dites avancées. Il s’agit d’un recul spirituel exponentiel, qui se dilate à chaque instant, et qui fait place à la pire des pandémies : l’hypermatérialisme.
A cet hypermatérialisme font face d’insignifiantes critiques, alimentées par un mythe symétrique, l’hyperdémocratisme. Ce que l’on appelle complaisamment la pensée alternative, la sensibilité écolo-hédoniste, le socialisme altéritaire, etc… constitue la pointe avancée de l’opposition cocufiée du système : une sorte de maelström narcissique, auto-persuadé de son éminence morale.
A chaque saison, des contingents de jeunes s’enrégimentent dans une bohème factice, prétendument libertaire, en vérité subordonnée au méta-capitalisme structurel : premiers consommateurs de technologie récréative, premiers utilisateurs de réseaux sociaux administrés, cibles primordiales de la junk-food et du mitraillage publicitaire, ils sont les premières victimes de la consanguinité des esprits, ses plus ardents promoteurs. Incapables de réfléchir en-dehors de l'alternative puérilisante droite/gauche, ils végètent dans l'indignation préformatée par le système.
Derrière Mac World
L’engouement massifié pour les comportements rebelles est soigneusement dirigé, orienté, canalisé d’un mirador techno-totalitaire. Ici pourtant, nul complot machiavélique ; aucune élite perverse fomentant des manigances pour dominer les peuples (les juifs, les Américains, le patronat international…). Il faut abandonner cette illusion de tâcheron. Cessons de remplacer les problèmes par des salauds. Non, Big Brother n’existe pas concrètement ; sa prégnance et son emprise sont plus abstraites, vaporeuses.
Elles procèdent d’une "logique" para-humaine, mi-dépendante, mi-déphasée. Cette logique devient graduellement autonome, à mesure qu’elle se détache du tronc théorique qui l’a fait naître. Il s’agit d’une sorte de branche périphérique qui se découple de l’arbre de la modernité et qui, se faisant, se ré-enracine sous terre pour produire d’elle-même une végétation privative… à l’origine du cauchemar qui s’étend sur l’humanité contemporaine.
La texture fécale du progrès contemporain
Progressivement, le champ existentiel commun se couvre de pourriture. Une pourriture proliférante qui contamine un substrat originellement sain : l’Occident devient Oxydant. La modernité technique, intrinsèquement légitime et salubre, se débilite à un moment donné comme une cellule cancéreuse. Une gigantesque confusion résulte du phénomène : l’Occident se fait haïr dans toutes ses fibres, alors même que c’est un organisme parasitaire qui le ronge. Son image est proche de celle du lépreux médiéval, universellement détesté à la place du bacille qui le martyrise. L’Occident n’est pas un virus, c’est un malade contagieux. La distinction est capitale, car le monde a besoin de sa rémission. Privée de lui, l’humanité dégénérerait spontanément.
La notion de progrès s’est considérablement lésardée ; depuis que l’arbre de la connaissance est dépouillé de ses fruits à cadence industrielle, l’homme s’atrophie. Sa voracité exponentielle lui empêche désormais toute digestion ; alors il sature. A mesure qu’il ingère et qu’il dévore, il régurgite et il vomit.
Travesti, le progrès a fini par revêtir la structure unidimensionnelle de la technique. De son côté, l’humain perd son âme. Cette âme qui lui semble de plus en plus abstraite, non substantielle, hypothétique. La poésie de l’existence se dissipe, laissant place à l’utilitarisme tout-puissant. Le qualitatif mute en quantitatif, la tyrannie du rendement mystifie les consciences. Ces banalités sont connues certes, mais superficiellement. Dans les faits, ceux qui prétendent "être au courant" se comportent indifféremment de la même manière, sans la moindre prise en compte de ces prétendues évidences.
L’être humain se robotise, car il cherche à "fonctionner" ; il a perdu le réflexe noble de mépriser le rentable immédiat.
Malgré leur expansion quantitative, les religions se sont dégradées en vulgaires totems identitaires, en clubs narcissiques pour primates émasculés. Le parfum de la vie s’amenuise. Ne demeurent plus que les effluves de la fragrance chiotte métallisée, celle qui enveloppe notre petit monde exténué.
Réagir pour ne pas stagner dans la résignation
-Réduire drastiquement l'utilisation des technologies récréatives
-Retrouver ponctuellement le chemin des campagnes
-Apprendre à rechercher des temps de solitude pour enrichir notre moi intérieur
-Méditer quelques instants chaque matin sur les grandes questions fondamentales
Apprendre à anoblir sa conscience: mépriser la rentabilité directe, rechercher sans répit le beau geste, la belle action.
Pierre-André Bizien
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