On connaît la position intellectuelle ordinaire: le Paradis serait une légende importée du monde perse et recyclée par la Bible puis l'Eglise. En clair, il n’y aurait rien derrière la mort, le reste relevant du conte de fées.
Il s'agit là d'une affirmation fondée sur un raisonnement biaisé et lacunaire. Le scientisme a souvent quelque chose d'obtus et bas-du-front qui en impose aux esprits gourds. De l'autre côté du spectre, certains fidèles confits en dévotion sont prêts à gober tout type de merveilleux, sans le moindre esprit critique.
En réalité, les arguments et les indices qui tendent à prouver l'existence du Paradis sont nombreux, mais de nature inégale. Certains ne tiennent nullement la route sur le plan rationnel, tandis que d'autres - bien au contraire - sont tout à fait fondés quant à la logique. En voici quelques-uns.
Arguments
-Si les Perses ont eu l’intuition du Paradis (par l'étymologie), cela n’infirme nullement la Bible. Au contraire, cela signifie que la Bible n’a rien inventé, et que Dieu a commencé à se «pré-révéler» avant les Hébreux, ce qui est d’ailleurs précisé dans l’Ancien Testament (alliance noachique…).
-Il est possible que Dieu existe. Or si l’univers a une cause intelligente, cette cause agit en vue d’une fin. Le Paradis est une réponse philosophiquement logique à l’énigme de la vie, car il lui donne un sens dans le contexte de l’existence du mal; c’est à la seule condition du Paradis que l’existence du mal ne l’emporte pas sur la justice, la vie, le sourire d’une enfant qui s’éteint.
-Si un univers matériel est advenu dans le contexte originel d'un néant absolu, l'hypothèse d'un univers céleste et spirituel n'a rien d'aberrant. L'amour, qui est impalpable au sens matériel, est pourtant une réalité extrêmement tangible pour les hommes, tandis que des réalités matérielles très concrètes (pierres, cailloux) ont un capital d'efficience largement moindre.
-Toute réalité humaine comporte un avers et un revers, une surface interne et externe. Le terme "Paradis" est contingent et arbitraire, mais la réalité qu'il exprime l'est beaucoup moins: les sceptiques sont souvent dupes de leur raisonnement en projetant leur conscience de l'arbitraire du mot sur la réalité qu'il exprime. Aussi, ils amalgament les représentations effectivement puériles et légendaires du Paradis (angelots joufflus, nuages moltonnés...) à la notion de Paradis elle-même, et jettent le tout dans l'irrationnel. Il s'agit-là d'un réflexe cérébral qui n'a rien de scientifique.
-La mort exprime clairement la fin matérielle de la personne. Aucune preuve n'a été apportée contre sa survie spirituelle. En l'état, il s'agit donc d'une hypothèse tout à fait envisageable, renforcée par l'observation de la nature : le libre choix et la contrainte génétique s'entremêlent, l'acquis et l'inné, l'empreinte de l'espèce et celle de la personne, qui est unique et irréductible. Il y a la terre, et il y a l'océan. Mais sous l'océan il y a encore la terre, et sous la terre il y a les nappes phréatiques: au fond de la mort il y a possiblement la vie. Le calcul permet de mathématiser le réel mais jamais de venir à bout de son explication. Il y a donc toujours un "au-delà". Les progrès de la science, loin de réduire le champ des questions, ouvrent au contraire sur davantage de questionnements: le champ des faits ne se réduit donc pas à mesure qu'on les découvre, il s'élargit plutôt.
-Loin de signifier que le croyant prend simplement ses rêves pour des réalités afin d'échapper à la mort, l'affirmation du Paradis dénote plus probablement une nostalgie trouble et brumeuse de ce qui est inscrit au fond de la nature humaine, la marque originelle de sa création (c'est l'argument du grand Tolkien). Le fait que l'homme entende au fond de lui ce très lointain écho originel le pousse à l'exprimer, à tenter de le reformuler: l'arbitraire de son imagination intervient davantage à ce niveau, lorsqu'il tente de retranscrire cet écho par des mots, des descriptions éventuelles.
-L'argument consistant à expliquer que le Paradis est une fiction auto-produite pour pallier l'effroi de la mort se brise sur le fait suivant: la religion demande expressément de rechercher précisément la mort, le martyre, le sacrifice contre les instincts de survie perpétuelle du transhumanisme athée.
-Le Docteur Tagashi Nagaï, rescapé de Nagazaki, a senti s’effondrer son athéisme en voyant pour la dernière fois le regard de sa mère mourante : il a senti que l’être humain est plus que son corps.
-Saint Augustin affirme de son côté: «La conversion d’un pécheur est chose plus difficile que la résurrection d’un mort» (Saint Augustin, cité dans Sertillanges, Le miracle de l’Eglise)
-Chesterton ajoute ceci : « La vérité doit forcément être plus étrange que la fiction car la fiction n'est qu'une création de l'esprit humain et, par conséquent, est à sa mesure » (G. K. Chesterton, Curieuse affaire de l’agent de location, 1905)
-Le théologien suisse Charles Journet, lui, tente de synthétiser une définition du Paradis qui ne serait pas bêtement descriptive : « Le monde de l’au-delà sera comme une éternisation du fugitif » (Charles Journet, théologien catholique suisse, Entretiens sur les fins dernières)
-Blaise Pascal prolonge l'argument de Saint Augustin: «Athées. Quelle raison ont-ils de dire qu’on ne peut ressusciter? Quel est plus difficile: de naître ou de ressusciter? Que ce qui n’a jamais été soit, ou que ce qui a été soit encore?» (Blaise Pascal, Pensées, 444)
Pierre-André Bizien
Ces divers éléments de réponse sont pour la plupart issus du livre "Somme métaphysique", qui collectionne des arguments concrets et originaux pour jutifier les positions de la foi chrétienne contre les sceptiques. L'ouvrage est accessible sur le site Mont des lettres. Plus de renseignements sur: montdeslettres@gmail.com
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