Pourquoi les intégristes catholiques trahissent précisément la Tradition de l’Eglise ? Quelle preuve décisive pouvons-nous avancer dans ce dossier redoutable ?
En 2017, les intégristes fêtent la promulgation par Benoît XV du premier Code de droit Canonique de l’Eglise catholique. Si cette promulgation fut une grande avancée par rapport au fouillis qui prévalait alors (maelström de lois et de décrets accumulés par les siècles) il n’est pas moins vrai qu’un autre Code initié par Jean XXIII, et promulgué par Jean-Paul II, a pu jaillir. Celui-ci est conforme aux décrets du Concile Vatican II.
Or les intégristes catholiques, cramponnés viscéralement au Code de 1917, refusent de comprendre que le monde change et qu’il a fallu « adapter » ce qui était déjà une grande avancée.
La Tradition ne signifie pas l'éternité du passé
Sur un site intégriste visité ces jours-ci, on se désespère :
« Dans le Code de 1917 étaient d’abord étudiés le pape et les cardinaux, puis les évêques, les prêtres et enfin les laïcs. Depuis 1983, les fidèles sont étudiés avant les clercs, il est aisé d’y voir la mentalité nouvelle qui diminue l’autorité et tend à la démocratie »
Pour ces gens-là, le vieux Code est toujours valable. Cette réaction de gens qui ne comprennent pas que l’Eglise ait pu remettre sur ses pieds une vision théologique normale n’est pas étonnante. On s’était progressivement habitués à considérer l’Eglise « comme une société parfaite » dans laquelle la hiérarchie était première ; le pape, dont le rôle avait été considérablement exagéré au cours du XIXe siècle, avait pris la place de l’ensemble du peuple de Dieu, par voix de conséquences.
Il en était de même pour les évêques et les prêtres, et ce cléricalisme avait terriblement atrophié le fonctionnement de l’Eglise tout entière.
On l’avait déjà bien vu au XVIe siècle, lorsque les Réformateurs avaient rejeté le « sacerdotalisme », montrant que les clercs et les laïcs baptisés faisaient partie du Peuple de Dieu sur le même pied. Par réaction, la contre-réforme catholique accentua outrageusement le rôle du clergé, faisant des prêtres les seuls membres capables de diriger l’Eglise. Le XIXe siècle européen, traumatisé par la Révolutions et les guerres napoléoniennes accentua encore cette vision triomphaliste de l’Eglise.
Les intégristes sont donc les héritiers de ces crispations officielles. Ne disait-on pas (surtout dans les pays anglo-saxons, tels que l’Irlande catholique) que le rôle des laïc était « to pay, to pray and to obey » (payer, prier et obéir) ? A lire la prose intégriste actuelle, on a l’impression que rien n’a changé. C’est pitié !
Héraclite au secours de l'Eglise
Ce que ces tristes frères oublient, c’est que notre monde ne peut persister qu’en se modifiant : nous avons tous en tête la maxime d’Héraclite… « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Même si beaucoup d’entre nous espèrent retrouver certaines valeurs oubliées, on ne peut sans dommages faire totalement machine arrière.
Mais ce qui est plus grave pour un chrétien conséquent avec lui-même, c’est de nier la validité d’un Concile. Or, Vatican II est bel et bien un Concile reconnu (avons-nous oublié que l’Esprit-Saint dirige L’Eglise ?). Alors je pose passionnément la question : le petit groupe d’intégristes qui s’efforce de résister croit-il en l’Esprit-Saint ? Ils nous évoquent l’arrière garde de Charlemagne à Roncevaux… « Ils n’ont rien appris, ni rien oublié », comme beaucoup de gens qui s’entêtent sur des positions perdues d’avance.
Mais, me tencerez-vous, « et les laïc, Bernard » ? Eh bien ceux-ci ont retrouvé leur place dans l’Eglise ! Comme tous, ce sont des baptisés. Le Décret « Apostolicam actuositatem » et ses suites remet sur ses pieds la structure de l’Eglise, rejoignant quelque part les propositions des réformateurs du XVIe siècle. Ainsi, l’Eglise Episcopalienne (anglicane) des Etats-Unis affirme dans son petit catéchisme :
« Qui sont les ministres de l’Eglise – Réponse : les ministres de l’Eglise sont les laïc, les évêques et les diacres »
Dans l’Eglise d’Orient (que ce soient les Eglises unies à Rome ou celles que l’on dit orthodoxes), ce sont des laïcs qui sont les théologiens… Et il nous faut nous souvenir qu’au moment de la grande crise arienne du IVe siècle, alors que le corps épiscopal hésitait et risquait d’entraîner l’Eglise dans une position qui aurait pu affaiblir le dogme trinitaire, les laïcs défendirent la vraie foi et obligèrent les évêques à se ressaisir ! Oui, les laïcs sont bien à la base de la véritable Tradition, si tant est qu’on ait la mémoire longue.
Autrefois, seuls les clercs avaient de l’instruction, et l’on peut comprendre que pendant tout une période on a pu privilégier ceux-ci en Occident. Mais à notre époque, l’accès aux lettres et au savoir n’est plus une exclusive cléricale. Il ne peut être question de réserver à une catégorie de gens, à une « élite » de spécialistes, les trésors de l’Ecriture, mis à la disposition de tous. On ne peut non plus persister à réserver « la mission » à des spécialistes qui seuls auront à convertir au Christ les hommes qui l’ignorent encore.
La Parole de Dieu est offerte à tous, et il faut comprendre cette vérité sans restrictions, pleinement, au sens littéral pour une fois ! Pour un chrétien, la mission de tout baptisé est bien de montrer que cette mission ne concerne pas seulement les évêques et les prêtres, ainsi que le rappelle la Constitution Lumen Gentium.
Simple rappel pour les gens qui croient que les formules d’autrefois sont éternelles. J’invite tous mes lecteurs à relire l’Histoire de l’Eglise : les vieilles archives ont bien du neuf à nous apprendre !
Père Bernard Vignot
Pour aller plus loin
Blog paroissiens-progressistes
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