Journaliste et présentateur de télévision fort connu, Harry Roselmack est surtout un homme dont l’engagement citoyen mériterait d’être souligné. Par-delà son statut de vedette un peu lisse et forcément proprette, monsieur Roselmack est une conscience profondément humaniste – dans la mesure où le terme fait encore sens. Humaniste précisément, car impliqué pour une amélioration sensible de la cohésion entre tous les Français, quelle que soit leur origine ou leur couleur de peau.
A ce titre, Harry Roselmack a confessé dès 2012 ses craintes vis-à-vis de la « fracture nationale », et fait la promotion d’une fraternité émancipée des tentations communautaires. Il nous prévient contre les séductions de la race et son langage victimaire, trop souvent présent dans les arrière-pensées des uns et des autres. Le fait d’être noir ou blanc ne doit pas être le ciment de votre identité ; certes, il ne convient certainement pas de renier ses origines ni sa couleur de peau, mais il importe avant tout de se construire comme citoyen, par-delà nos héritages ethno-culturels.
« Sachons qui nous sommes, soyons nous-mêmes, mais apprenons à nous extraire de nos conditions réciproques » (Harry Roselmack, Le Monde, 17 février 2014)
Cette injonction, monsieur Roselmack nous la déclare avec intensité : la compétition victimaire est une impasse, quelles que soient nos raisons profondes et les plaies qui nous rongent. Considérer le monde à partir de sa propre focale contextuelle, c’est ce que fait naturellement l’individu qui manque de recul, de profondeur humaine. Mon frère est au-delà des miens, pourrait presque-t-on dire, en quelque sorte. Mon frère réside au-delà de mon jardin génétique, de mon milieu social, c’est cela qui fait l’universalisme de notre vocation citoyenne, c’est cela qui fait l’Homme d’un individu.
Casser les refuges confortables de la bienséance intellectuelle
Dans cette perspective, monsieur Roselmack nous propose une éthique du courage intellectuel, apte à nous faire assumer les sujets brûlants et les controverses où seuls les coups sont à prendre.
« Parler d’identité nationale, c’est quelque chose de très très important » (KTO, VIP, 23 juin 2012)
Bien entendu, la question de notre identité collective doit être envisagée avec ouverture et sans crispation malsaine ; il n’empêche, c’est une erreur que de la rejeter comme sujet interdit. Qui sommes-nous ? La question, résolument philosophique, ne saurait nous indisposer. Nous devons l’explorer avec enthousiasme, ensemble, avec ce tremblement d’impatience devant l’aventure que nous réaliserons tous ensemble.
Les passions raciales ne sont pas l’exclusive des Blancs, elles concernent aussi les Noirs :
« Toutes les insinuations, injures racistes ou catégorielles sont à dénoncer avec la même fermeté d’où qu’elles viennent » (Le Monde, 17 février 2014)
La croissance récente de l’antisémitisme chez les Français Noirs est préoccupante, et ne doit pas être occultée, sous quelque prétexte. L’honneur d’un homme passe par sa capacité à mépriser les petites sécurités faciles qu’il pourrait mobiliser contre les autres. La France de demain est notre horizon collectif, et nous devons fusionner devant le défi qu’elle nous impose.
La vérité doit être notre obsession, notre impératif déontologique. Il en va de notre dignité d’hommes. Pour cela, monsieur Roselmack sait mépriser les petites conventions de langage et les petits interdits intellectuels : il assume l’utilisation du terme «Français de souche» (notamment dans l’émission Derrière les murs de la cité), et le mot « race », devenu soudain suspect :
« Ce qui me dérange, c’est que l’on nous dise aujourd’hui que les races n’existent pas. Je ne comprends pas cette défaite du concept, face à l’incapacité de gérer ces concepts. L’homme serait incapable de gérer la réalité sémantique d’une espèce humaine divisée en races, parce que cette réalité sémantique générerait du racisme, ce qui est complètement faux à mon avis. Alors, on décide que les races n’existent pas ! Très honnêtement, les races, cela ne me gêne pas. Je peux considérer qu’il y a une espèce humaine et que je suis de race noire et que d’autres sont de race blanche, cela ne me dérange pas» (Entretien Kerniews.com)
A propos des éternelles polémiques sur le racisme, passion française par excellence, monsieur Roselmack prend ici encore de la hauteur :
« Les racistes, il y en aura toujours, cela relève d’une espèce de folklore qui n’a aucun fondement et les racistes, eux-mêmes, le savent. Je suis de ceux qui pensent que nous devons laisser ces gens dans leur folklore : finalement, ce sont eux qui sont le plus pénalisés… » (Entretien Kerniews.com)
Il convient d’être intraitables quant aux manifestations du racisme, mais ne transformons pas une préoccupation en une passion. Ce qui est déterminant aujourd’hui, pour tous les jeunes, c’est la rigueur avec laquelle on se construit, et non la lutte narcissique des classes communautaires.
« Ce qui est important c’est le travail » (KTO, VIP, 23 juin 2012)
Concernant la question de la foi, monsieur Roselmack affirme être catholique.
« Dieu est un refuge, Dieu est un soutien que je prie oui » (KTO, VIP, 23 juin 2012)
Il importe cependant, ici encore, de tourner sa foi vers l’Homme, qui est la priorité de nos devoirs. Harry Roselmack est un grand monsieur, coupable de ne pas suffisamment écrire.
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