Depuis de nombreuses années, le Front National dénonce un racisme spécifique, touchant les personnes de couleur blanche en France. Récemment, le leader UMP Jean-François Copé a pointé à son tour le phénomène. Aussitôt, une contestation massive s’est élevée à gauche de l’échiquier politique ; comment peut-on impunément oser parler de « racisme anti-blanc », concept d’extrême droite ? Comment prêter créance en la réalité d’un phénomène qui ne serait ni chiffré, ni mesuré par aucune statistique officielle ?
L'antiracisme traditionnel contre l'évolution des réalités
Des sociologues, des intellectuels de haute stature morale se mettent alors à s’inquiéter des arrière-pensées xénophobes charriées par le concept. Le racisme anti-blanc n’existerait pas, nous explique-t-on ; il ne serait que l’expression maladroite de jeunes d’origine étrangère tentant de répondre au racisme qu’ils subiraient pour leur part quotidiennement. Le racisme anti-blanc serait un fantasme de petits blancs complexés, une arme idéologique symptomatique de la montée de l’intolérance ambiante.
Que percevons-nous derrière ces tentatives éperdues de « diaboliser » le racisme anti-blanc : tout simplement le refus narcissique de partager la « victimitude » avec le groupe sociologique que l’on prétend toujours dominant, fautif et coupable. Tout simplement, aussi, le refus de reconnaître que chacun d’entre nous peut être victime ET coupable de racisme. Il s’agit, au fond, du refus inconscient de reconnaître que l’autre de l’autre existe.
Il est évident que l’extrême droite politique ne dénonce le racisme anti-blanc que pour asseoir la supériorité symbolique de sa clientèle principale, blanche et française. De même, depuis trop longtemps, de nombreux courants marqués à gauche totémisent la figure du jeune d’origine étrangère en lui opposant une masse collective blanche qui lui serait invariablement hostile. Triste storytelling…
La gauche contre le racisme anti-blanc
En vérité, contrairement à ce qui se dit, la dénonciation du racisme anti-blanc n’est pas génétiquement de droite. Ceci est une légende qui ne résiste pas aux faits :
- En 1980, le leader communiste Georges Marchais se gausse de ceux qui accusent le racisme de la France envers les étrangers : « Certes, du racisme existe, et nous le combattons de toutes nos forces, mais j’estime que, dans l’ensemble, ces tendances sont très minoritaires en France». Opinion qui serait facilement, de nos jours, associée au patrimoine idéologique de droite.
-Dès 1981, le Nouvel Observateur (clairement marqué à gauche) dénonce le racisme anti-blanc sous la plume provocatrice de Delfeil de Ton :
« Le Monde écrivait : « Qu’il soit antijuif, antiarabe, antijaune ou antinoir, le racisme est une abominable gangrène, une source inépuisable de violence et de haine ». Et le racisme antiblanc, alors ? Le racisme antiblanc n’est jamais désavoué. Pourtant, il est drôlement répandu. Dénonçons aussi le racisme antiblanc. Après tout, ce sont sans doute les Blancs qui ont fait de l’antiracisme une valeur universelle. Et où trouve-t-on, sinon dans les nations occidentales, ces fantastiques brassages de populations ? Quelles métropoles sont plus inter-raciales que Paris ou New York ? Le brassage et l’assemblage ne se font pas et ne se sont certes pas faits que dans la joie, mais on peut penser que dans les pays ou les régions du monde où les gens sont tous du même type humain la haine raciale a bien dû, à de certains moments, donner un coup de pouce à la nature ».
Puis l’auteur conclut, comme un oracle :
« Quand le racisme ne sera plus dénoncé à sens unique, l’antiracisme aura fait un vrai grand pas» (Le Nouvel Observateur, n°886, 31 octobre, 1981).
-Le 11 mai 2010 au Parlement, le député communiste André Gerin s’indigne contre le racisme anti-blanc dans les banlieues, affirmant qu’il en a été lui-même témoin. Aucun relai médiatique ne suivit cette intervention, laquelle passa inaperçue.
-En mars 2012, la ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem dénonçait à son tour le racisme anti-blanc dans son ouvrage « Raison de plus !», avant même que Jean-François Copé ne le fasse de son côté, pour son plus grand malheur médiatique. Placée devant le paradoxe, la ministre socialiste tentera alors vainement de se justifier en clamant que ses propos étaient l’antithèse de ceux de Mr Copé…
Décidément, la politique permet tout, surtout la mauvaise foi et la lâcheté intellectuelle. En définitive, l’association du concept « racisme anti-blanc» à l’idéologie de la droite est une mystification.
Pierre-André Bizien
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