La Mongolie refait enfin surface après des siècles d’absence sur la scène internationale. Enclavé entre Chine et Russie, le pays a suffoqué très longtemps. De nos jours, la donne s’est renversée. Par quel miracle cet état si discret est-il sur le point de bouleverser durablement les rapports géopolitiques de la région, voire du monde ? C’est ce que nous allons voir.
La Mongolie a longtemps été un pays de guerriers nomades. La fureur de ses « hordes d’or » au XIIIe siècle hante encore de nombreuses populations. L’empire de Gengis Khan inspirait la peur, imposait surtout le respect : qu’on y songe, il s’étirait de la mer de Chine jusqu’à la Méditerranée ! Romains, Perses, Ottomans, Bantous, Incas…aucune de ces grandes civilisations, ni même les immenses empires coloniaux du XXème siècle n’auront accompli l’exploit de s’étendre autant géographiquement.
De nos jours, bien entendu, la Mongolie n’est plus cet ancien empire tentaculaire qui s’étendait sur deux continents (33 millions de km2 à son apogée, soit la superficie de l’Afrique). Aujourd’hui, c’est un pays grand comme trois fois la France, avec 2,7 millions d’habitants.
Entre le marteau et l’enclume
La République de Mongolie joue à l’équilibriste pour ménager ses deux redoutables voisins, le dragon chinois et l’ours russe.
Le pays est économiquement pieds et poings liés. Toujours extrêmement dépendant de ces deux pays-continents qui sont ses principaux clients, et ses premiers fournisseurs commerciaux. Partout, leur empreinte est visible. Ainsi, le cachet éminemment soviétique des bâtiments citadins de Mongolie : énormes volumes rectangulaires, froids, désuets, sévères… l’esthétique totalitaire dans toute sa splendeur.
A ce titre, Amnesty International a récemment tiré la sonnette d’alarme à propos de la peine de mort dans le pays. A la fin des années 2000, on pouvait encore se faire exécuter pour 59 types d’infractions différents. Le 5 janvier 2012 cependant, les autorités ont fait un pas décisif vers l’abolition. Songeons qu’à l’heure actuelle, plus de deux tiers des pays de la planète ont abandonné la peine de mort, au moins en théorie.
Autre récent phénomène d’ouverture : début 2013, le pays supprime ses restrictions de voyage pour les séropositifs, ainsi que les restrictions à l’emploi pour les citoyens porteurs du VIH. Amis touristes, ça vous dresse une atmosphère…
Pour desserrer quelque peu l’étau sino-russe, une stratégie a été mise en place ces dernières années par les élites mongoles : celle du « troisième voisin ». Elle consiste à développer des relations notamment économiques, politiques, et militaires avec des pays riches amis, comme le Japon, les Etats-Unis et l’Union Européenne. Le Canada, deuxième investisseur actuel dans le pays, est le partenaire-clé pour l’avenir mongol.
La Mongolie demeure relativement pauvre. La criminalité y est assez faible cependant, malgré les pickpockets qui pullulent dans la capitale. Le sous-sol est un atout majeur pour l’économie locale ; il regorge de minerais très convoités : cuivre, or, tungstène, uranium, charbon… certains qualifient même de la Mongolie de « futur émirat des steppes ».
Le miracle économique
Un potentiel exceptionnel de plus en plus exploité, et qui porte déjà ses fruits. La Mongolie affiche désormais une croissance soutenue depuis plus d’une décennie. Les deux dernières années atteignent des sommets. Les autorités mongoles affichent fièrement depuis 2011 une croissance annuelle qui donne le tournis : 17% ! Ce chiffre vertigineux est d’autant plus incroyable que 10 ans auparavant le pays dépendait quasi exclusivement de l’élevage (dont le commerce du cachemire - deuxième producteur mondial).
Cette ascension fulgurante, aussi rapide que surprenante, a une explication : le boom minier. Il est principalement dû à l’appétit grandissant de puissances hautement consommatrices de matières premières (Chine et Russie).
Grâce à la récente découverte de ce trésor, la Mongolie détient actuellement la plus forte croissance d’Asie. Cela lui assurera sans aucun doute de peser plus significativement dans les années à venir sur l’échiquier régional, voire même mondial. Ce jackpot tombé du ciel, ou plutôt sorti de terre, devrait transformer durablement le visage du pays.
L’exploitation des grands gisements miniers est concédé à des entreprises étrangères, mais les autorités mongoles en gardent néanmoins généralement le contrôle à hauteur de 30%. De plus, en mai 2012, le parlement mongol a adopté une loi visant à limiter l’investissement étranger à 49% dans les parts d’une entreprise pour l’un de ces trois secteurs stratégiques : les banques, les télécommunications et les mines… Ceci sans compter les nombreuses taxes (TVA, impôts sur les bénéfices, dividendes, etc.) qui assujettissent lourdement ces trusts internationaux.
Ce protectionnisme exacerbé a eu des conséquences délétères : les IDE (Investissements directs étrangers) ont dramatiquement chutés, bien qu’ils représentent toujours des flux financiers non négligeables.
Cette manne financière, extraite des mines, a favorisée l’apparition récente à Oulan-Bator (la capitale), de grandes enseignes de luxe comme Louis Vuitton… et encore plus étonnant, l’éruption de gratte ciels. Dans un pays de semi-nomades vivant encore souvent dans des yourtes cela représente un tournant civilisationnel sans précédent.
La Mongolie, nouvelle puissance énergétique mondiale, saura-t-elle équitablement redistribuer les richesses auprès de sa population ? Aussi, répondra-t-elle présente quant à l’énorme défi écologique qui se profile ?
Jérémie Dardy
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